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Légende

La légende de saint Trémeur

Trémeur vivait au VIème siècle et , d'après une légende collectée par Anatole Le Braz, aurait vécu au manoir de Kergoz, dailleurs une statue de granit le représentant y trônait, mais elle a disparu.

Sa mère était la belle Triphine (en Gallois : fidèle), fille du comte de Vannes Warok.

Son père était le comte de Poher, région de Carhaix, Comorre ou Conomorre (grand guerrier) venu du Pays de Galles qui rêvait d'unifier l'Armorique par des alliances. Après le Léon et la Domnonée (Finistère nord et Trégor) ses vues se portent à l'est. Il réussit à convaincre le futur saint Gildas de le laisser épouser Triphine malgré sa réputation d'éliminer son épouse chaque fois que celle-ci attendait un enfant car une vieille sorcière lui avait prédit qu'il serait assassiné par son propre fils. Cette légende aurait inspiré Perrault pour son conte "Barbe Bleue". C'est ainsi qu'il décapite Triphine qui fut sauvée par Gildas, le moine venu du Pays de Galles et ancien élève au monastère de saint Ildut où il avait appris la médecine. Elle put ainsi mettre au monde un fils qui, d'abord, se nomma Gildas, sur les conseils du moine avant d'être appelé Trechmorus par les Bretons pour le différencier de son illustre parrain, ce deuxième nom signifiant "Grande Vistoire" (sur la mort ?).

Plus tard, à l'âge de 7 ans, le hasard fit qu'il défia son père au jeu de soule (l'ancêtre du rugby) où celui-ci excellait. Il l'humilia et mal lui en prit car, reconnaissant son fils, il lui trancha le cou. Puis, conscient de la cruauté de son geste, il succomba, terrassé par le remords.

Les seigneurs de Kergoz, dans le but de percevoir un droit de soule, car le début de chaque partie se donnait près d'une chapelle dédiée à saint Trémeur, auraient choisi ce terrain sur un  ancien temple celte aux vertus médicinales.

Et l'histoire, qu'en est-il ?

Il est exact que tous les personnages de la légende ont existé, Trémeur, Triphine, Conomor, Gildas... la réalité de l'Histoire s'articule autour de Conomor, dont la biographie nous est connue par des écrits contemporains.

Au VIème siècle, régnait sur le nord de la Bretagne, le Poher, le comte Conomor qui était aussi préfet du roi des Francs Childebert.

Ce chef breton, dont la notoriété s'étendait dans toute la Bretagne, est davantage connu aujourd'hui sous le nom de "Conomor ar Milliget", c'est à dire Conomor le maudit, dont la légende a fait une sorte de "Barbe Bleue" breton, plutôt que comme le seul chef breton de cette époque qui ait eu une idée et un projet politique.

Pour gouverner et concrétiser ses projets il n'hésitait pas à utiliser menaces, force et brutalité quand une entrave à son pouvoir avait déclenché en lui des colères explosives, violentes et ravageuses. L'épée était souvent le moyen le plus simple de clore des débats et faire ployer les rebelles.

Venu, comme tant d'autres Bretons, de Bretagne insulaire où il avait exercé une charge royale ainsi qu'une fonction maritime, il était tout naturel qu'il désirât exercer un rôle dominant dans les royaumes bretons d'Armorique.

Alors comte de Poher, maître du Léon et du Pays d'Ac'h, il s'était emparé de la Domnonée en essayant d'assassiner le prince héritier Judual qui, protégé par les moines du monastère de Saint Lunaire, réussit à s'enfuir et se réfugier à la cour du roi des Francs, Childebert. Il voulait réunir sous sa houlette l'ensemble des royaumes de la Bretagne pour devenir le maître incontesté d'un royaume unique et fort, comme l'avait fait Arthur en Bretagne insulaire. Aussi lorgnait-il, de l'autre côté du Blavet, le comté de Vannes tenu par Warok à qui il demanda en 546, la main de sa fille Triphine. Déjà de mauvaise réputation après la tentative d'assassinat sur le jeune Judual, Conomor dut patienter, menacer Warok de l'envahir, mais la garantie de Gildas, dit "Le Sage", fondateur de l'abbaye de Rhuys, permit le mariage. Apprenant la grossesse de son épouse, il fut pris de fureur et devint menaçant au point que Triphine s'enfuit chez son père. Conomor la rattrapa et lui "trancha" la tête. Gildas, formé aux secrets de la médecine druidique chez son maître Ildut, guérit Triphine, qui ne devait vraisemblablement être que grièvement blessée.

Triphine retournée auprès de son  père mit au monde un fils qu'elle appela Gildas. Celui-ci, devenu plus tard moine à l'abbaye de Rhuys, devint célèbre par ses vertus et ses miracles et acheva sa vie dans la sainteté. Pour le distinguer de saint Gildas, les Bretons l'ont appelé Trechmorus qui devint Trémeur.

Que Trémeur ait été assassiné par son père ne semble pas historiquement vraisemblable. En effet, ce mariage avec Triphine était une affaire politique qui ne pouvait que conforter ses ambitions et lui assurer la mainmise ultérieure sur le comté de Vannes. Il avait besoin d'un héritier.

Que, sous le coup d'une fureur dévastatrice, il ait voulu "punir" Triphine de s'être enfuie, cela pourrait s'admettre, mais qu'il ait froidement assassiné son fils, allant ainsi à l'encontre de son ambition, est difficilement concevable.

A partir de ce moment, son comportement, les tentatives d'assassinat sur Judual puis Triphine et sans doute une question de préséance politique firent que les moines, dont l'influence était grande en Bretagne, se dressèrent contre lui en un conflit de moralité et de pouvoir et en firent un monstre, "Conomor le Maudit".Ìls réunirent une coalition menée par Judual qui attaque Conomor, la bataille dura trois jours, elle fut très meurtrière et Conomor y trouva la mort. Elle eut lieu en bordure des monts d'Arrée, elle fut appelée bataille de Brank Haleg "branche de saule". Un premier monastère, le Relecq (en breton, restes) y aurait été construit en souvenir des innombrables soldats morts qui jonchaient le sol.

Ainsi, en 40 ans de pouvoir Conomor avait su assumer un rôle important qu'il n'avait pu mener à terme à cause de l'influence des moines, le pouvoir laïc contre le pouvoir religieux.